Restauration d'un dinghy à clins
mardi, 23 juin 2015
Voici un joli petit bateau, apparemment, rien n'est cassé, il a seulement été oublié un peu trop longtemps, les clins sont disjointés, il accuse le poids de l'age, mais je vois bien qu'il ne demande qu'à revoir sa plage de Normandie.
En 1955, pour Noël, un ouvrier chaudronnier décide qu'il va naviguer l'été prochain avec son fils. Il veut un Youyou, c'est bien pratique, c'est léger et bien plus stable que tous ces canoës qui encombrent les plages de la Côte de Nâcre pendant l'été. Il mandate un constructeur qui a déjà sa réputation:
Mr Chaussivert "constructeur de bateaux en tous genre"
Monsieur Chaussivert qui a l'habitude de construire des embarcations de rivière décide de rajouter un clins et de réhausser la quille parce que le client lui a demandé de bonnes performances à la voile.
En ce début d'été 1956 Mr le Chaudronnier se rend à Laval et voit son bateau en chantier, les clins sont tous posés, et 2 ouvriers travaillent à poser les bancs, il a la plaisir de voir que son bateau sera prêt pour ses vacances. Le bateau est magnifique, avec ses clins rouges en acajou et ses membrures ployés orangé en acacia.
Le nom est déjà trouvé: ce sera "TABOU".
La livraison du bateau est prévue pour début août. Mr le Chaudronnier va pouvoir participer à la fête de la Sainte Marie, c'est une belle fête pour les premiers bords Tabou
Bien sûr tout bateau qui se respecte doit être jaugé par la Douane. Les dimensions figuraient sur la facture, et Mr le douanier a fait ses opérations comme il se doit, et pour vérifier celles ci, il a fait la preuve par neuf, ceux qui sont allé à l'école avant l'invention de la calculatrice comprendront l'importance de ce geste. Il s'agit de compter correctement le tonnage.
Voilà une histoire possible de la naissance de Tabou.
Préparation de l'intérieur
C'est une construction légère, les varangues doublent les membrures, les clins permettent à l'eau de s'écouler vers l'arrière où est situé le bouchon de nable.
Un bordé est fendu, il a été réparé avec du mastic polyester, la réparation ne date pas d'hier, elle a bien tenu, la seule chose à faire sera de la poncer un peu la réparation.
Une partie de bordé et la lisse au dessus ont été changées, à l'arrière bâbord, je pense que les anneaux de portage dans la lisse (voir la première photo) ont fait stagner l'eau autour, ce qui a amorcé la pourriture qui a abimé la lisse et le bordé.
Choses à faire:
- Enlever les anneaux des 2 cotés et cheviller les trous, ils n'ont plus lieu d'être: ils servaient au portage avant que le bateau ait une remorque.
- Redresser les pointes en cuivre et mettre des contre rivures(celui qui a réparé a mis de bonnes pointes, mais je pense qu' il n'avait pas de contre rivures).
- Enlever les escargots et les toiles d'araignée
Je commence par l'intérieur, chaque ponceuse permet d'enlever les surépaisseurs de vernis accumulées au fils des années, avec la ponceuse triangulaire, chaque petit carré de clins est attaqué, en évitant de poncer le rivet.
En fait, ça finit toujours par un ponçage à la main, je n'ai pas trouvé mieux. La patience et la persévérance sont indispensables, une bonne musique avance les travaux plus vite, je crois.
Toutes les surfaces vernis sont rendues mates, même autour des contre rivures, même dans les coins, sinon au vernissage, la surface ne sera pas homogène. Le fond blanc est poncé aussi avec du gros papier de verre, aucune machine passe dans les compartiments, alors, c'est encore à la main. 2 couches de peinture blanche sont passées dans les fonds.
Préparation de l'extérieur
Les clins sont couverts de mousse, la première chose: nettoyage à l'air comprimé, une partie de la peinture se détache.
Puis ponçage à l'orbitale avec du gros papier de verre. Le bordé est en acajou Grand Bassam, il y en avait en 1956, les bordés de fond s'écartent, mais ils sont en bon état, le jour où il faudra changer ces bordés, on ne trouvera pas de bois aussi bon.
Ma première idée, pour les réparations, était de garder un système traditionnel à base de calfat, mastic à l'huile de lin etc. Mais je me rends compte que les réparations successives ont été faite un temps au mastic polyester, puis au mastic polyuréthane, donc il est ridicule de revenir en arrière: je vais utiliser des matériaux modernes.
Sur les oeuvres mortes, quand le mastic polyuréthane est adhérent sur les 2 cotés du bordé, je le laisse.
Le mastic polyester n'a pas résisté aux déformations du bois, il part en morceaux, à l'arrière, il y a une grosse fente qui devait vraiment faire de l'eau.
Le mastic polyuréthane est enlevé quand il n'est plus adhérent aux 2 cotés, la râblure est creusée, du vieux calfat et un bon bourrelet de mastic retirés.
Calfatage de la rablure, un petit cordon de calfat, juste pour l'étanchéité, il s'agit de ne pas pousser les bordés quand le bois va gonfler.
Et les cordons de mastic sont tirés: j'ai utilisé du mastic MS polymère, je trouve que c'est un produit qui adhère mieux que le mastic polyuréthane qui a souvent besoin d'un système d'accroche, c'est un poseur de pont en teck PVC qui me l'a fait découvrir.
Le problème du tableau arrière en chêne est qu'il est très large, la planche a tendance à fendre au milieu (vers le coeur, bien sûr). Maintenant, on ferait ce tableau à l'aide de plusieurs morceaux collés, mais en 1956 on utilisait peu la colle.
Ici la résine époxy chargée va permettre de boucher les fissures et de recoller la pièce.
Après un ponçage du mastic en trop, première sous couche avec de la peinture marine. La peinture est passée au pinceau.
Essai du gréement, la voile est un peu sale, elle va être lavée à l'eau et à la main. La bôme en frêne est à rouleau, le mécanisme est simple, efficace et fonctionne parfaitement, le mat et la vergue sont en résineux et les pièces d'accastillage en bronze sauf le rocambot qui est en inox. Le tout est révisé, les espars poncés et revernis.
Les planchers sont poncés et vernis. Le safran est construit comme une porte d'armoire: rainure et languette, les bois tout carré, on ne profilait pas encore à cette époque, le collage n'a pas tenu avec le temps, il était tout disloqué, je l'ai recollé sous serre-joints, et le voilà en vernissage. La barre est courte, mais bien proportionnée avec le bateau.
Le bateau poncé, noter le petit liseret blanc autour du plancher, c'est la baguette qui maintient le plancher en place. J'utilise un vernis marin aquaréthane satiné, égrainage entre les couches, il a l'avantage de sécher rapidement et d'être un peu plus écologique que d'autres. Je trouve aussi qu'il résiste bien dans le temps, surement plus que le vernis brillant le plus répandu sur les bateaux.
Les banquettes arrière sont remise en place, et encore une couche de vernis. La dernière couche de peinture blanche est passée, c'est joli, mais quand même austère, je trouve qu'il manque quelque chose...
Voilà, c'est ça, une couleur sur le dernier bordé ça lui donne tout de suite une fière allure.
Nouvel essai de la voile lavée. Je change l'écoute de voile, mais je garde la drisse, c'est du coton, original.
Et puis Tabou remonte sur sa remorque, c'est une remorque simple, les petites quilles du bateau glissent sur des longerons qui sont adaptés à la forme de la coque, la quille pose sur un chemin de rouleaux, un treuil à l'avant en face de l'anneau de l'étrave, que demander de plus?
Tabou a rejoint la Cale Des Pécheurs à Lion Sur Mer, le premier curieux n'a pas tardé!
Essai à la rame: concluant pour les essais suivants.
Tabou sur la plage, le gréement est mis en place.
En route pour l'aventure.
A la voile le bateau répond bien quand on borde ou choque la voile, mais il a un peu de mal à virer. Je pense qu'il faut s'entrainer, c'est le lot des gréements au tiers: tellement simple que c'est un peu compliqué à utiliser.
Longue vie à TABOU.
Retour accueil